DANIELLE BERTHET : UN REGARD EN ABÎME (extraits)
Jean-Paul Gavard-Perret, 2006
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A travers des œuvres fortement colorées comme à travers ses terres sculptées sans fioritures, la
créatrice donne la preuve (si besoin était) de la ‘mission’ de l’art. Elle en appelle aux déchirements des
linges du monde et rappelle que l’art n’a rien à voir avec une morale au sens étroit du terme. L’artiste
possède une autre mission : l’apprentissage par la beauté (ce mot honni de l’esthétique contemporaine)
pour un dévoilement, de la mise à nu d’un bord du monde, d’un bord de l’être afin de plonger au plus
profond des deux et qu’elle résume ainsi : « si je tiens à aller par des traits plutôt que par des mots,
c’est toujours pour entre en relation avec ce que j’ai de plus précieux, de plus replié, de plus ‘mien’ ».
Le travail de Danielle Berthet présente donc une remontée des profondeurs quel qu’en soit le butin.
Elle ne peut donc se contenter d’illustrer le monde. Elle va ailleurs, dans l’inconnu, avec le risque que
cela implique du côté du désir, du côté de la peur. Bref elle nous conduit là où le regard s’abîme.
Son œuvre est donc un lieu quasi rupestre de poésie où tout commence. Quelque chose en surgit que
nous n’aurions peut-être pas dû voir. Mais c’est à ce seul titre que la création parle, nous parle ; sans
quoi elle n’est rien, rien que discours, que représentation. Chez l’artiste à l’inverse surgit quelque
chose de primitif, au plus près du moindre frisson dont parlait H. Michaux. Loin de tous les repérages,
de tous les balisages feutrés qui tentent de chloroformer la beauté, cette œuvre en sa densité mais
aussi en sa légèreté grave, est peu faite pour les bien-pensants de l’art, qu’ils soient adeptes d’un
classicisme, ou à l’inverse, de tout ce qui, dans les installations du temps, tourne l’art en dérision.
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